Comment le premier essai de la bombe atomique éclaire la formation de la Lune

Une analyse des sables vitrifiés lors de la première explosion nucléaire de l'histoire étaye le scénario selon lequel la Lune s'est formée à la suite d'une gigantesque collision d'une planète de la taille de Mars avec la Terre.

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Le 16 juillet 1945, les Etats-Unis effectuent le premier essai de l'arme nucléaire de l'histoire, dans le désert du Nouveau-Mexique. La chaleur extrême dégagée par l’explosion vitrifie une partie du sable sur un rayon de 350 mètres. Le nom de code de l’opération, Trinity, a donné leur nom aux verres ainsi formés, les trinitites. Frédéric Moynier, de l’institut de physique du globe de Paris (IPGP) et ses collègues ont eu l’idée d’analyser la composition de ces matériaux afin de tester certains scénarios de formation de la Lune. En effet, selon la théorie la plus probable, la Lune serait née d’une collision entre la Terre et un corps de la taille de Mars, nommé Théia, il y a 4,5 milliards d’années. Les conditions extrêmes de température et de pression lors de l’impact sont difficiles à reproduire en laboratoire, mais celles d'une explosion nucléaire s’en rapprochent.
D’une planète à une autre, en passant par les satellites naturels, la composition varie beaucoup, probablement du fait de conditions de formation différentes. Un exemple notable est la pauvreté de la Lune en éléments volatils – des éléments qui s'évaporent facilement – par rapport à la Terre. Les planétologues supposent que dans le cadre du scénario Théia, la force de l’impact a chassé les composés volatils des débris qui formeront la Lune. Difficile cependant de vérifier cette hypothèse expérimentalement. C’est pour cette raison que Frédéric Moynier et ses collègues se sont intéressés aux trinitites. Ils ont comparé la composition du sable arkosique (celui à l'origine des trinitites) et celles du sable vitrifié prélevé à une distance comprise entre 10 et 250 mètres du centre de l’explosion (où la température était d’environ 8 000 °C et la pression supérieure à 8 gigapascals).
Les chercheurs se sont intéressé au zinc et à ses différents isotopes (les cinq isotopes stables sont le zinc 64, le zinc 66, le zinc 67, le zinc 68 et le zinc 70, le premier, le plus léger, étant le plus abondant sur Terre et représentant presque 50 % de cet élément). Dans les conditions normales, le zinc n’est pas volatil, mais il le devient dans les processus de formation planétaire.
Les divers prélèvements mettent en évidence une raréfaction en zinc corrélée à la température locale lors de l’explosion nucléaire. Plus la température est élevée et plus l’appauvrissement est marqué. En outre, la déplétion s’exerce surtout sur les isotopes les plus légers, car ils s’évaporent plus facilement.
Ce résultat confirme le scénario d’évaporation à haute température des éléments légers lors d'une explosion nucléaire et donc très probablement lors de l’impact d'une planète. Il apporte aussi un élément supplémentaire dans le débat sur la présence d’eau sur la Lune. En effet, un des échantillons de roche lunaire rapporté par les missions Apollo contient de l’eau, si bien que certains ont suggéré que le manteau lunaire présenterait la même concentration en eau que le manteau terrestre. Les travaux de Frédéric Moynier et de ses collègues démontrent qu’il ne peut y avoir autant d’eau dans le manteau lunaire que dans le manteau terrestre, puisque l’eau est bien plus volatile que le zinc. Les chercheurs pensent que la teneur en eau de l’échantillon d’Apollo n’est pas représentative de celle de la Lune, mais le résultat d’une recondensation d’éléments volatils lors de la formation du satellite, un processus qui conduit à un enrichissement faible et hétérogène en eau de la roche lunaire. En effet, les chercheurs ont observé un phénomène similaire sur le zinc de l'essai Trinity. Les verres proches de l’explosion sont appauvris en isotopes légers de zinc, mais leur surface présente une concentration un peu plus élevée, enrichie par recondensation du zinc volatil.


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